Cinquante Mozart à l’Académie

Geneviève Laurenceau
& Christian-Pierre La Marca

Violoniste précoce, passionnée par la transmission, Geneviève Laurenceau est une musicienne à la confluence des écoles française, allemande et russe, comme on se partagerait entre la fantaisie, la rigueur et une certaine forme de joie sonore. Formé à la grande école du violoncelle français, Christian-Pierre La Marca est un voyageur musical énergique, aventurier, avec le franc-parler et le sourire dans le regard qui facilitent la fraternité.

Quelle est pour vous l’originalité du projet ?

CPLM. Que ce soit un projet global. Qu’il y ait une section pour les enfants et une section pour les adultes en cours de professionnalisation, que tout se rejoigne. Qu’on échappe au formalisme. Les Jeunes Talents ne sont pas beaucoup plus jeunes que nous  : nous ne sommes pas dans un rapport de maître à élève, à l’ancienne, mais plutôt dans un rapport de conseil, avec une certaine forme d’intimité. Les séances proposent des échanges mutuels, où l’on va puiser, où l’on va nous aussi se poser des questions.

GL. Parfois, avec les étudiants, nous travaillons ensemble, nous cherchons ensemble. C’est cela, le choix de Philippe  : faire venir des gens qu’il apprécie, avec lesquels il a des affinités musicales et des affinités de transmission. Les étudiants y sont sensibles. La durée des master class sur une semaine est idéale  : quand on les retrouvera dans trois mois, on se connaîtra mieux, ils auront eu le temps de travailler, on abordera un répertoire différent.

❝ L’énergie est essentielle. L’énergie vitale, organique, c’est ce qu’il y a de plus difficile, pour eux comme pour nous, c’est une transcendance de soi-même pour aller provoquer l’émotion. ❞
(Christian-Pierre La Marca)

Comment définiriez-vous votre travail avec les Jeunes Talents ?

CPLM. Ce qu’on va leur dire n’est pas académique, il faut leur faire sortir des choses qui sont de l’ordre de l’impalpable. Pour dépasser un certain niveau, il faut être dans la connaissance du texte, de l’œuvre. Il y a une constante chez beaucoup de jeunes musiciens  : ils sont presque formatés dans une perfection instrumentale remarquable, héritée des conservatoires, des concours. Mais à un moment donné, cela ne suffit pas. Nous quatre, nous ne faisons que parler de la musique, et le point de départ de tout travail, c’est vraiment la partition, dans laquelle trouver une certaine forme de liberté.

GL. Et sans empiéter sur le territoire de l’autre, car l’autre peut très bien avoir une vision différente. Et c’est délicat parce qu’ils arrivent avec une idée déjà très forte de l’œuvre. J’essaie surtout de leur apporter un regard extérieur  : ce que je ressens quand ils jouent, ce qui me manque, ce qui pourrait être encore meilleur… Mais en même temps, sans leur dire  : « C’est comme cela qu’il faut faire ! » Je déteste quand on me dit ce qu’il « faut » faire ! Nous devons réussir à révéler ce qu’ils ont en eux, un peu comme un metteur en scène avec ses acteurs.

Que pouvez-vous leur apporter à propos du métier de musicien ?

CPLM. Nous parlons beaucoup de questions extramusicales qui entrent complètement dans le cadre d’un enseignement de ce niveau  : le travail corporel, la préparation mentale d’un événement, notre expérience de la scène. Mais il n’y a pas meilleur professeur que soi-même  : on doit seulement leur donner des clés qui leur permettent de réfléchir, de s’écouter, de chercher en eux même. Je les questionne énormément, pour leur faire prendre conscience  : et soudain, cela change tout, je sais qu’ils vont modifier ce qu’il faut parce que je l’ai vécu à leur âge.