En lumière sauvage, après


… cette totalité en ruine… (2014), En lumière sauvage (2015)  : deux pièces en miroir pour deux danseurs et trois percussionnistes1. Compositions de Pierre-Adrien Charpy, chorégraphie de Cécile Guye, avec le HOP!trio et la compagnie Boutabou.


En lumière sauvage

Ils sont deux sur le plateau, à danser le tonnerre dans les ténèbres, à danser la violence des tumultes et la sensualité des corps… Non, il ne faudrait pas commencer comme cela.

Plutôt : ils sont deux sur le plateau, eux les danseurs – elle et lui – et eux les percussionnistes – qui sont trois en plus ce qui finit par compliquer la chose… Deux ensembles ensemble à s’écouter, se regarder, se chercher se trouver se relâcher, à échanger des mouvements et des ruptures, à disparaître dans l’ombre pour mieux renvoyer l’autre dans la lumière. À prendre des coups, à frissonner sous la caresse.

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  1. Programme donné en création le 18 septembre 2015 au théâtre Comoedia d’Aubagne 

L’âme numérique

Cinématique, Adrien MondotDans le spectacle vivant, il y a des moments où le spectateur sent que quelque chose bascule, quelque chose de radicalement nouveau qui s’inventerait, là, sous ses yeux. Ces moments ne sont pas si nombreux et l’irruption dans le paysage de la compagnie AM/CB – Adrien Mondot et Claire Bardainne – en fait partie. Lui vient des arts du cirque, à la fois jongleur et informaticien ; elle est plasticienne et scénographe ; à eux deux, ils inventent de projet en projet un art étrange qui est bien d’aujourd’hui, où se mêlent l’impalpable des images et figures numériques et la réalité du mouvement des corps. Chez eux, on danse avec des écharpes de l’étoffe des rêves, on surfe sur des océans d’ondes, on sème des alphabets virevoltants comme d’autres des paillettes. Ce qui aurait pu apparaître comme simple prouesse technologique s’installe, grâce à l’imaginaire des deux artistes et à leur désir de ne jamais noyer le réel sous le virtuel. Alors que leur récente collaboration avec la compagnie Käfig de Mourad Merzouki, Pixel, est en tournée, on peut également voir ou revoir l’une des premières créations d’Adrien Mondot : Cinématique. Une partition chorégraphique pour un jongleur et une danseuse, où l’on nous invite à renouer avec notre part de rêve d’enfance et à bousculer les principes rationnels de nos existences modernes. Histoire d’aller voir un peu plus loin encore derrière l’horizon, il faut aller visiter l’exposition XYZT, les paysages abstraits, signée des mêmes créateurs1. Méfiez-vous, cette immersion rêveuse dans leur outremonde pourrait bien devenir addictive…


Paru dans HDS.mag n° 44, novembre-décembre 2015. 


  1. XYZT, les paysages abstraits, Palais de la Découverte jusqu’au 3 janvier 2016 

Brad Mehldau, Keyboard Wizard

Brad Mehldau © MICHAEL WILSON

Velours rouge, le pianiste Brad Mehldau était en solo à l’Espace-Malraux de Six-Fours1. Pas pour les rideaux de scène ni cette élégante chemise qui lui donnait l’allure d’un méditant zen. Mais pour le velours d’une musique savante, virtuose et sensuelle.

On laissera les spécialistes mieux qualifiés définir le jeu Mehldau, équilibre dit-on idéal entre le vertical et l’horizontal – les accords et les lignes, l’harmonie et les voix –, et le souci clairement audible – et sur scène visible – de ne jamais privilégier une main au détriment de l’autre, au contraire, de les croiser, physiquement, d’en faire réponse, écho, contrepoint. On leur confiera également l’analyse du son, souvent percussif en diable et qui ce soir-là était d’une suavité scintillante – peut-être après tout y avait-il aussi de la soie dans ce rouge…

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  1. Brad Mehldau, Espace-Malraux, Six-Fours, mardi 13 octobre 2015 

Dominique A, Éléor à Toulon

Dominique A en concert, 2015

Dominique A en quartet très rock au Théâtre Liberté de Toulon1, sur une setlist quasi parfaite, entre la manière des choses d’avant et la matière de celles d’aujourd’hui. Qui ferait un beau best of live

Quand on a que l’amour… Dominique A n’a sans doute pas que cela en partage – seulement, même lorsqu’il s’agit de sociologie, d’histoire ou de politique, chacune de ses chansons est aussi en filigrane une histoire d’amour. Or chacun sait depuis bien avant les Rita Mitsouko que les histoires d’amour finissent mal, en général comme en particulier, sinon ce ne sont pas des histoires. Et les histoires, c’est la matière de Dominique A, il en a autant que de musique dans sa carcasse de colosse ambigu chez qui le masculin et le féminin s’épousent jusque dans la voix et dans la gestuelle.

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  1. Théâtre Liberté de Toulon, jeudi 8 octobre 2015, dans le cadre du festival Rade Side Of The Moon 

Cerises noires

Pecherot Plaie ouvertePatrick Pécherot est un écrivain de l’air du temps – pas forcément le nôtre, pas tout à fait un autre. Il déambule le nez en l’air, humant le parfum des choses qui ne sont plus mais qu’on devine encore, qu’on les espère, les regrette ou les redoute. Une plaie ouverte1 est une enquête mélancolique autour de la Commune de Paris, disparue dans les fumées d’un dernier idéal révolutionnaire, elle qui était née sur les décombres de la guerre de 1870. Tiens, soixante-dix, c’est aussi le nombre d’années d’existence de la Série Noire, il n’y a pas de coïncidence, dirait Marceau, le héros usé de ce roman moins noir que gris, comme l’oubli.  Continuer la lecture de Cerises noires


  1. Série Noire Gallimard, 272 pages