Archives de catégorie : Spectacles

Game of Thrones

Henry VIThomas Jolly et la compagnie La Piccola Familia poursuivent leur aventure hors norme : donner sur scène l’intégralité du Henry VI de Shakespeare1. Au programme de cet automne, le second cycle composé des troisième et quatrième épisodes.

Une tranche de guerre civile au beau milieu de la guerre de Cent Ans qui n’en finit pas de finir. L’histoire furieuse et bruyante d’un monde qui s’extirpe dans le sang d’un âge médiéval dont la mémoire disparaît, pour entrer dans la modernité de ce qu’on appellera la Renaissance. Ce qui ne signifie pas forcément que l’on va des ténèbres vers la lumière… Une histoire de roi qui commence, mal, sous la malédiction de son prédécesseur Richard II : « des armées de fléaux (…) frapperont vos enfants encore à naître et même à concevoir… » et qui ne finit pas bien, avec son assassinat par son successeur, futur Richard III.

Metteur en scène, scénographe, acteur, Thomas Jolly a la trentaine adolescente, il met en scène cette folie Shakespeare comme une intégrale de Game of Thrones, en « plus alerte, plus conscient, plus éveillé ». On rit, on crie, on s’effraie, on ne lâche rien durant ces huit heures de spectacle – rien que pour le second cycle, qu’on peut « traverser » également en deux fois.

Écrit au XVIe siècle, contant le désastre du XVe, le Henry VI selon Thomas Jolly est à la démesure de notre époque, « nous qui crions notre désir de bousculer un présent, de le croire plus grand, moins lâche, moins injuste et plus libre ».


Paru dans HDS.mag n° 38, novembre-décembre 2014.


  1. Sceaux, Les Gémeaux, du 3 au 14 décembre 2014 

L’abus roi !

Ubu RoiLa compagnie des Dramaticules tient résidence pour trois ans au théâtre de Châtillon. Et ce n’est pas pour y faire du farniente ! L’hiver dernier, ils y créaient Affreux, bêtes et pédants – hilarante plongée dans les dessous de la vie culturelle – voici qu’ils nous envoient l’Ubu roi de Jarry comme une claque en pleine figure. Après Richard III de Shakespeare ou la Salomé de Wilde, le metteur en scène Jérémie Le Louët raconte une nouvelle histoire de monstres et d’abus, cruelle, bouffonne et délectable.


Paru dans HDS.mag n° 38, novembre-décembre 2014.

No man’s Finland

Mad in FinlandElles sont sept filles aux patronymes en « nen » ou en « ra », descendues de leur Finlande, sans doute sur le dos du cygne de Tuonela et au son des cuivres de Sibelius, pour vivre leur passion. Tous les arts du cirque sont dans Mad in Finland, affûtés – trapèze, fil, équilibre, main à main – et détournés à grands coups de vodka, de sauna, de Nokia. Ces filles athlétiques jouent avec leur culture, ses codes et ses clichés, autrement dit ce qu’elles sont et l’idée que nous nous en faisons. Rien ne manque : le froid, le ski, la nature, les boissons fortes, les déprimes gaies, les chants caréliens et le heavy metal dingo, on se croirait dans un roman d’Arto Paasilinna ! Encore que leur référence soit plutôt Aleksis Kivi, maître de la littérature du XIXe siècle, auteur des Sept Frères dont le héros jeune, pauvre et fou meurt en s’écriant « Je vis ! » Comme quoi on peut être blondes et cultivées…

Ce temps fort1 est l’un de ces grands moments exigeant et joyeux dont seuls les arts vivants ont le secret : et avec les Mad, elämä on kaunis ! (la vie est belle !)


Paru dans HDS.mag n° 38, novembre-décembre 2014.


  1. Espace cirque d’Antony du 29 novembre au 21 décembre 2014 

Le pôle Sud de la marionnette

Hullu © ARTHUR BRAMAO
Hullu © ARTHUR BRAMAO

Le Mar de marionnettes, le TO du théâtre d’objet : quinzième édition du festival MarTO1 avec huit spectacles au programme dont deux créations, et la désormais mythique Nuit de la marionnette !

MarTO, c’est une histoire de manipulation, de fils invisibles, d’ombres, de lumières et de monstres… Les comédiens sont des figurines, des effigies, des poupées – voire des accessoires, choses et bricoles répondant de manière définitive à la fameuse question du poète : oui, ici, les objets inanimés ont une âme !

Aux trois théâtres d’origine du premier MarTO en l’an 2000 – Malakoff, Fontenay et Clamart – se sont peu à peu associés leurs « voisins formidables » de Châtenay, Bagneux et Châtillon pour constituer un pôle Sud de la marionnette ; ce qui ne manque pas de sel pour une pratique où il ne faut pas être manchot… Restons sérieux : l’affaire l’est même tant que le théâtre Jean-Arp de Clamart, l’un des pères fondateurs de cette constitution de la marionnette et de l’objet, s’en est fait en quelque sorte une spécialité – non exclusive – reconnue depuis 2010 par un statut de « scène conventionnée pour la marionnette, le théâtre d’objets et autres formes mêlées ». Et s’engage chaque année dans un rituel nocturne démesuré : la Nuit de la marionnette  !  Continuer la lecture de Le pôle Sud de la marionnette


  1. du 21 novembre au 6 décembre 2014 dans les six théâtres partenaires du sud du département des Hauts-de-Seine – www.festivalmarto.com 

Farid Bentaïeb

Co-créateur du festival MarTO, le directeur du théâtre Jean-Arp de Clamart nous invite1 à passer la nuit avec des marionnettes…

 La marionnette est un art au royaume de la bricole. Imaginez un objet, immense ou minuscule, posé là, inerte, et puis à un moment donné le marionnettiste s’en empare, alors tout à coup quelque chose se met à vivre… C’est du théâtre extraordinairement émouvant : on a plus encore qu’ailleurs l’impression de voir la chose naître, de comprendre un petit peu mieux le miracle de la création.”

Silhouette impeccable du danseur, regard acéré et voix placée de l’acteur, Farid Bentaïeb confesse un goût pour le théâtre généreux : voilà un professionnel qui aime l’art et les gens ! Cela commence par la découverte des textes durant la scolarité, puis viennent les premières émotions de spectateur : Koltès-Chéreau aux Amandiers de Nanterre – « d’ailleurs la reprise dix ans plus tard de Dans la Solitude des champs de coton avec Pascal Greggory et Patrice Chéreau est le plus beau souvenir de spectacle de ma vie ! » – aussi bien que la représentation maladroite d’un Barbier de Séville vécue sous un préau de collège presque comme une expérience sensuelle. « Même si ce n’était pas terrible, il en reste quelque chose qui est du domaine de la transmission. »  Continuer la lecture de Farid Bentaïeb


  1. le 22 novembre 2014