Le pôle Sud de la marionnette

Hullu © ARTHUR BRAMAO
Hullu © ARTHUR BRAMAO

Le Mar de marionnettes, le TO du théâtre d’objet : quinzième édition du festival MarTO1 avec huit spectacles au programme dont deux créations, et la désormais mythique Nuit de la marionnette !

MarTO, c’est une histoire de manipulation, de fils invisibles, d’ombres, de lumières et de monstres… Les comédiens sont des figurines, des effigies, des poupées – voire des accessoires, choses et bricoles répondant de manière définitive à la fameuse question du poète : oui, ici, les objets inanimés ont une âme !

Aux trois théâtres d’origine du premier MarTO en l’an 2000 – Malakoff, Fontenay et Clamart – se sont peu à peu associés leurs « voisins formidables » de Châtenay, Bagneux et Châtillon pour constituer un pôle Sud de la marionnette ; ce qui ne manque pas de sel pour une pratique où il ne faut pas être manchot… Restons sérieux : l’affaire l’est même tant que le théâtre Jean-Arp de Clamart, l’un des pères fondateurs de cette constitution de la marionnette et de l’objet, s’en est fait en quelque sorte une spécialité – non exclusive – reconnue depuis 2010 par un statut de « scène conventionnée pour la marionnette, le théâtre d’objets et autres formes mêlées ». Et s’engage chaque année dans un rituel nocturne démesuré : la Nuit de la marionnette  ! 

L’arène de la nuit

 Voilà l’une de ces folies qu’on adore : de 19 h 30 à 6 h du matin, ça grouille dans les coins et recoins du théâtre de Clamart. Une dizaine de troupes présentent autant de spectacles autour desquels les noctambules sont invités à déambuler. Lors de cette sixième nuit, nous irons entre autres goûter la cuisine saignante du Chaperon rouge, enterrer Pulcinella, et réfléchir à « l’amour éternel sans divorce » grâce à Roméo et Juliette… L’humour noir, les références grinçantes et le format hors-norme de la manifestation la réservent principalement à un public adulte.

Ce qui vaut d’ailleurs pour le reste de la programmation : MarTO n’est pas un festival pour jeunes enfants ! Ce qui ne signifie pas que la morale et les bonnes mœurs y soient bousculées… Seulement que les pièces présentées, par leur sujet, leur ambition et leur atmosphère, ont vocation à séduire le même public que le théâtre « normal ». On n’emmène pas le dernier-né voir Macbeth ! – ni le singulier Bestiaire de poupées de mousse de la DudaPaïva Company (La Piscine, Châtenay)… Mais en général, à partir d’une dizaine d’années, tout le monde est bienvenu.

Délires, monstres et créations

MarTO commence en fanfare Sur les traces du ITFO du Turak Théâtre : une sorte de chasse aux fantômes orchestraux dans les décombres du « Import’nawouak Turakian Folklorik Orke’stars » (Théâtre des Sources, Fontenay). Les délires en tous genres font partie du patrimoine génétique d’un festival souvent un peu frappé. Ainsi le Josette forever ! de la compagnie Garin Troussebœuf, entraînant les spectateurs, en quatre temps et avec lampe de poche, derrière la figurine fondatrice de la troupe : « Josette ma vie, ma mour, ma mort » (Théâtre Jean-Arp, Clamart).

MarTO reçoit également l’héritage des bêtes de foire et des monstres qui font peur. Cette année, le rôle des Freaks est tenu par les Hullu – les fous, en finnois – du Blick Théâtre (Théâtre de Châtillon) ; et les bizarres de la CréatureS Compagnie, creusant dans leur Mine noire de fin du monde (Théâtre Victor-Hugo, Bagneux).

Mais MarTO, ce sont aussi, au delà des questions de forme et de genre, des créations relevant tout simplement du théâtre universel. De Passage, de Stéphane Jaubertie et Jonanny Bert, est une production du centre dramatique national de Montluçon qui aborde la parentalité, le souvenir, les secrets de famille (Théâtre Jean-Arp, à partir de 9 ans). Histoire d’Ernesto réunit sept acteurs marionnettistes autour de La Pluie d’été de Marguerite Duras, dans une mise en scène de Sylvain Maurice, directeur du centre dramatique de Sartrouville et des Yvelines (Théâtre 71, Malakoff).

Un dernier mot pour signaler que cette année, MarTO fracasse ses murs d’origine en envoyant le collectif des Baltringues jouer Cœur cousu à l’orangerie du château du Domaine de Sceaux. Un château pour une histoire de fantômes, c’est bien dans l’esprit !


 Paru dans HDS.mag n° 38, novembre-décembre 2014.


  1. du 21 novembre au 6 décembre 2014 dans les six théâtres partenaires du sud du département des Hauts-de-Seine – www.festivalmarto.com