S’il est un domaine où Astérix ne nous a pas menti…
… c’est bien celui du banquet. Oui, on festoyait à Nanterre, sur une esplanade d’un petit millier de mètres carrés du côté de l’avenue Jules-Quentin. Dans les fosses, on a retrouvé « l’instantané » du dernier banquet : ustensiles de cuisine, vaisselle brisée, restes de repas… Outre la piquette dont on se délectait à l’époque – allez, vous n’allez pas le croire : on sabrait parfois les amphores ! – il y avait au menu le mixed grill au barbecue et des aliments bouillis au chaudron – un ustensile rare, précieux où l’on puisait à l’aide d’une espèce de fourchette aux dents perpendiculaires au manche afin de ne pas risquer d’en abîmer le fond. En revanche, là où Obélix a un tantinet exagéré, c’est sur le choix des viandes… Sur les quelque quarante-cinq mille ossements animaux découverts à Nanterre – veau, porcelet, agneau, volaille… cheval et chien aussi : un seul sanglier ! Symbole de force, on ne le mange qu’exceptionnellement et pour une excellente raison : le bœuf gaulois ne mesure qu’un gros mètre au garrot, et le sanglier d’alors pas beaucoup moins, monstre sauvage aux défenses longues comme ça qu’il valait sans doute mieux fréquenter symboliquement…
❝ L’archéologie, ce sont des histoires racontées par de la ferraille et de la vaisselle…”
Est-ce pour autant que l’on sait tout sur nos ancêtres ? Antide Viand avoue qu’il a toujours « cherché à savoir ce qui se cachait derrière les livres d’histoire », mais l’archéologie moderne, scientifique et imaginative a beau avoir trituré le sol et les livres, il demeure du mystère. Quelle spiritualité devine-t-on derrière ces ossements humains triés, sélectionnés, lavés et rangés, non pas dans une tombe classique mais dans l’intimité d’une maison ? Quelle symbolique dans l’accumulation de ces « rondelles » de céramiques soigneusement dessinées puis prélevées avec précision dans des vases hauts ou des amphores – une seule par vase et il y en a des centaines ? Et les plus de cent pièces d’or, les stataires, trouvées aux alentours, à Puteaux et Gennevilliers, qu’on imagine données en offrande. On en connaît la valeur : un seul suffisait à payer une campagne de mercenaire gaulois, son équipement, sa suite… Par Toutatis, quelle colère des dieux a‑t-il fallu apaiser avec un tel trésor ? Le ciel décidément menaçait-il de leur tomber sur la tête ?
Quant à savoir si Nanterre était la capitale des Parisii…
… la Lutèce d’avant la conquête romaine, ce n’est encore qu’une hypothèse, mais elle a désormais la faveur d’un bon nombre de spécialistes. Une capitale gauloise sur les plaines de Nanterre, non pas sur une île mais à l’abri d’une large boucle de Seine – position de défense idéale entre la barrière du fleuve, les marais et la déjà dominante situation du Mont Valérien. Une ville d’importance vidée de ses lieux après la conquête romaine, quand le Parisii déménage pour les rives plus riantes de l’île de la Cité. Aucune réponse tranchée pour l’heure, mais y en aura-t-il une un jour ?
Paru dans 92 Express n° 172, été 2008.