Nos ancêtres les Gaulois

Poteries nanterriennes du Ier siècle av. J-C.
Poteries nanterriennes du Ier siècle av. J‑C

Toute la Gaule, ou presque, était celte. Nul besoin de résister à l’envahisseur romain : il ne s’était pas encore aventuré jusque-là. Cela n’allait pas durer, mais on ne le savait pas. C’était il y a plus de vingt-deux siècles, à Nanterre. C’était les Parisii, nos ancêtres gaulois.

Fidèles de la série Rome, oubliez l’image des Gaulois vaincus, soudards hirsutes et avinés qui font régner la terreur sur les collines de l’Aventin… « C’est le regard du vainqueur romain, mais devons-nous poser sur les Gaulois ce regard-là ? » confie malicieusement Antide Viand, archéologue départemental des Hauts-de-Seine et commissaire de l’exposition Nanterre et les Parisii1. Une première en Île-de-France : la présentation au public d’une partie du matériel trouvé lors des fouilles menées à Nanterre entre 1994 et 2005, enrichie d’objets mis au jour à Bobigny, le tout racontant ce que furent les Parisii entre le IIIe et le Ier siècle avant notre ère. Objets restaurés, reproductions à l’identique d’armes et d’outils par des artisans d’aujourd’hui, mise en scène de la vie quotidienne, bref, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur nos ancêtres les Gaulois et que César nous avait caché… Alors, s’ils ne sont pas les brutes que l’histoire romaine a conservées, qui sont-ils ?

Des orfèvres, des artisans, des guerriers…

… des gens finalement très recommandables. Les Parisii sont les Gaulois de chez nous, mais c’est toute une mosaïque de peuples celtes qui nourrit l’Europe de sa culture. Qui possède en commun un mode de vie, des arts et des savoir-faire. Les échanges inter-celtiques sont courants – et pas seulement vers l’Orient… Ils se rencontrent aux frontières, font du commerce, importent, exportent : le vin qu’ils boivent à Nanterre – atroce selon nos critères, altéré d’épices et d’eau de mer en guise de conservateurs – vient d’Italie ; leur céramique de grand luxe, quelque chose comme le Sèvres gaulois, est fabriquée dans le Massif central ; on a pêché en Méditerranée le corail des bijoux de la femme gauloise. Dont la silhouette d’ailleurs est avenante, un petit 36–38, si l’on se réfère à la taille de sa ceinture métallique… Les hommes, eux, sont forcément de puissants guerriers… Encore qu’à Nanterre, le coin devait plutôt être tranquille : les Parisii retrouvés dans la plupart des tombes seraient morts de vieillesse, au milieu de la soixantaine, et les armes qui les accompagnaient pour le périlleux voyage étaient, comme dit le poète, belles de n’avoir point servi. Des armes qui souvent racontent une civilisation. « Cela n’a pas beaucoup changé depuis, commente Antide Viand : la plupart des progrès techniques apparaissent dans l’art militaire… » Et l’on comprend comment la façon de se déplacer et de se battre a pu évoluer en deux siècles grâce à la transformation des attaches de fourreau à la ceinture ou à la forme des épées. Et l’on découvre des armes de destruction massive, comme ce soliferrum, une espèce de missile tout en fer forgé, lourde lance acérée avec une prise au milieu, dont on devait se souvenir sur un champ de bataille, si on avait de la chance… Toutes pièces qui sont, dans un premier temps, en fer forgé : autant dire des pièces uniques, véritables prouesses de forgeron – il suffit de regarder la finesse des fibules, ces ancêtres de l’épingle à nourrice dont on usait pour fermer le vêtement sur l’épaule ou la dextérité nécessaire à la fabrication des maillons de chaîne. L’orfèvrerie gauloise est sans doute ce qui se fait de mieux à l’époque.

Et où habitent-ils, nos ancêtres ?

Eh bien, dans une ville. Non pas le gros bourg rural qu’on aurait pu imaginer, mais une vraie ville dont on estime la surface à 20 ou 25 hectares – et dont on a fouillé qu’un infime pourcentage. Une ville parce que la densité des maisons, signalées par la trace des trous de poteaux qui faisaient leur structure, est telle qu’on vérifie l’adage des urbanistes : la ville se construit sur la ville. Une ville avec des parcelles délimitées, des puits individuels, des maisons d’une quinzaine de mètres de long – dont les portes sont munies de serrures à clé ! Contrairement à ce qui est habituel dans l’habitat rural, elles n’ont pas de grenier, les réserves de nourriture étant stockées collectivement. Une ville où l’on travaille, avec ses différents quartiers de production, une zone industrielle presque. Il y a les tisserands et leurs métiers dressés dans de larges fosses peu profondes, dont le degré d’hygrométrie facilite le tissage du lin ou de la laine ; les potiers, leurs fours et les ratés de cuisson, qui nous parlent d’une très abondante production de cette vaisselle qui a le privilège de traverser les époques et de raconter la vie quotidienne de nos ancêtres ; les moulins rotatifs en grès ou en meulière des meuniers, qui avaient l’avantage de multiplier les rendements et l’inconvénient de laisser dans la farine de minuscules fragments de pierre qui ne devaient pas concourir à améliorer la dentition de nos aïeux… Une ville dont les voies de circulation, repérées lors des fouilles, ont traversé les âges et se retrouvent dans le tracé actuel de la voirie.


  1. Nanterre et les Parisii, une capitale au temps des Gaulois ? Printemps 2008 à l’Espace Paul-Eluard, Nanterre