Archives de catégorie : Musiques

Symphonie Villes 2.0


Programme du concert :
Régis Campo, Pop-Art, pour flûte, clarinette, violon, alto, violoncelle et piano. Jean-Marc Singier, Farandoles de bribes en ribambelles, pour clarinette basse, cor, piano, percussions et violoncelle. Régis Campo, Street-Art, création pour  chœur d’enfants, percussions, zarb, guitares et ensemble orchestral.


Imaginée par TM+, Symphonie Villes est une aventure musicale où se rencontrent des lignes d’horizon qui, par définition, ne se rencontrent jamais, sauf ici : musiciens professionnels, instrumentistes amateurs, apprentis en devenir, seniors et juniors, voix nouvelles, cultures d’aujourd’hui et sonorités d’ailleurs. En 2013, la première Symphonie Ville était signée Jonathan Pontier.

© SIMONE POLTRONIERI
Régis Campo

Symphonie Villes version 2.0 réunit musiciens de TM+, élèves des conservatoires, gang de cuivre, chœur tout frais, guitares plus ou moins électriques, rythmes au zarb iranien, et pas mal d’autres choses encore autour d’une création d’un familier de l’ensemble : Régis Campo.

Les villes, Régis Campo les connaît bien : il est de Marseille, il connaît la rue cosmopolite, les frottements des cultures, l’énergie bruyante. Descendante abondante de Pop-Art, la pièce joyeuse et rythmique qu’il composait en 2002 pour TM+, Symphonie Villes croise les codes évidents de l’art populaire avec – selon sa belle expression – « des arrière-mondes » neufs qui ne se livrent pas immédiatement.

Un pari sur l’ouverture et la curiosité qui chez d’autres serait risqué : le métissage des genres et des formes pouvant conduire à de redoutables tambouilles – n’en déplaise aux néos béats. Avec Régis Campo, au contraire, on touche au noyau secret et irradiant de l’art – n’en déplaise aux académiques ronchons.


Brochure TM+ saison 2014–2015.

La haine de la musique

De la caverne primitive aux apocalypses modernes, il y a pour le moins de la densité dans la composition de Daniel D’Adamo sur l’essai de Pascal Quignard. Et du paradoxe, à commencer par ce titre impossible.

© GUILLAUME CHAUVIN
Lionel Monier & TM+

La haine de la musique impose une vision, presque une révélation : la musique est une marée à laquelle on ne peut échapper, la bruyante soupe primitive où la vie a infusé. Elle est le grondement géologique d’avant l’homme, elle se lève à l’aube des premiers mythes, elle sonne en nous avant même notre naissance ; elle est notre génitrice, notre sage-femme et notre nourrice, nous sommes son invention et elle est notre histoire, notre meilleur comme notre pire. Allez après cela ne pas la haïr, cette musique qui nous livre sans défense possible au monde tel qu’il est…

Les couleurs de cette mer sonore répondent aux mots du livret : « La mer n’est pas une surface. Elle est de haut en bas l’abîme. Si tu veux traverser la mer, naufrage ». Alors, autour de l’ensemble instrumental et de ses extensions électroniques, on entend les courants, les abysses, le bleu grave inouï et quelques clartés qui tremblent.

Heureusement, La Haine de la musique est également un spectacle. Dans la nuit, il y a des reflets d’or, les lumières bienvenues d’une mise en scène qui joue le décalage avec les ombres entre conférence sonore et parcours initiatique.


Brochure TM+ saison 2014–2015.

Ypokosmos

© CLAIRE MACEL
Laurent Cuniot & Alexandros Markeas

Ypokosmos, oratorio des bas-fonds : la Grèce d’aujourd’hui donne le blues à Alexandros Markeas. Un blues essentiellement grec : le rebetiko, musique de traîne-patins qui sent la taverne, le mazout et le mauvais tabac. Né dans les années vingt de l’autre siècle – années de misère, de migrants et de mendiants qui chantaient en crevant de faim – il sert de point de départ à cette pièce de notre siècle, hélas, du siècle de cette Grèce ruinée qui fut jadis notre cité et dont des pans entiers s’écroulent.

Ypokosmos est un labyrinthe où l’on s’étourdit dans la pénombre du presque rien et les rythmiques de plein soleil. Car l’homme est misérable, la ville un égout, mais il reste cette poésie de rien pour gens de peu qui fait redresser la tête dans la fumée consolante et les alcools de miséricorde. Accentuant le déséquilibre par leurs accords décalés, bouzoukis et saz sonnent comme autant de glas et de verres brisés. Avec les chœurs aux timbres éventés, les chants cassés par l’ivresse ou le désespoir, c’est le souffle des voix en souffrance qu’on entend, à pleine puissance malgré leur impuissance, dans cet époustouflant requiem furieux, lyrique et social.


Brochure TM+ saison 2014–2015.

Du Lied aux Chants

Raphaële Kennedy et TM+
Raphaële Kennedy et TM+

Ensemble orchestral dédié à la musique contemporaine, TM+ est en résidence à la Maison de la musique de Nanterre depuis 1996. Il était en concert le vendredi 21 mars 2014 avec un bouleversant programme de musique d’hier et d’aujourd’hui.

Les concerts construits par Laurent Cuniot autour d’œuvres complémentaires mais très différentes sont une « marque de fabrique » de TM+. Ils tracent des routes inédites entre les compositeurs, ils ouvrent des perspectives nouvelles sur nos géographies intérieures. À leur écoute, on saisit ce que sont la virtuosité, la subtilité et l’engagement physique de musiciens au sommet, emmenés par un chef à la fois exact et lyrique. On ressent aussitôt l’envoûtement de ces musiques, pour peu qu’on accepte de faire tomber les barricades de l’habitude. Et l’on se dit, réunis dans une salle de concert, que c’est un privilège de se retrouver ensemble, à l’écoute de son temps.  Continuer la lecture de Du Lied aux Chants

Citoyenne insolente


Programme du concert :
Georges Aperghis : La nuit en tête (2000) pour soprano, flûte, clarinette, violon, violoncelle, piano et percussions. Alexandros Markeas : Trois clins d’œil rythmés (2006) pour clarinette et électronique. Thomas Adès : Catch (1991) pour clarinette, piano, violon et violoncelle. Laurent Cuniot : Prélude démesuré (2012) pour violon et clarinette. Alexandros Markeas : Citoyenne insolente (création 2014) pour soprano, flûte, clarinette, violon, violoncelle, piano et percussions.


La création n’est pas un long fleuve tranquille. Mais un confluent plutôt agité où se déversent, parfois venues du plus loin de notre histoire et parfois surgies d’on ne sait où, beaucoup d’audaces qui éclaboussent.

Une génération sépare Georges Aperghis et Alexandros Markeas. Grecs arrivés à Paris à 20 ans, engagés tous les deux dans le monde mais de façon différente, leur rencontre est un peu celle de celui qui croyait aux racines et celui qui n’y croyait pas…

La Nuit en tête de Georges Aperghis, ce sont des morceaux de nocturnes obsédants, une voix entêtante dans une partition de nuit où les micro-intervalles fusent comme des lueurs à peine saisissables. On y voyage dans le ténu, le babillement, la prolifération, quelque part où les choses sont aussi solides que des sables mouvants, aussi stables qu’un éclat de lune sur une eau noire.

Une nuit d’un autre genre tombe sur notre siècle, qui n’a plus beaucoup de sens et se cherche une voix. La Citoyenne insolente d’Alexandros Markeas s’appuie sur d’anciens héritages pour affronter debout l’avenir qu’on lui refuse et les nuits sans fin qu’on lui promet. Continuer la lecture de Citoyenne insolente