Festival Debussy-Fauré

© CATHERINE KOHLER


Orchestre symphonique de Mulhouse, Chœur des écoles de Mulhouse et des collèges du Haut-Rhin, Les Solistes de Lyon, Ingrid Perruche, Julie Perruche, Kevin Greenlaw, Jean-François Lapointe, Cédric Tiberghien, Bernard Lemmens : Festival Debussy-Fauré, + œuvres de Markeas, Chopin, Scriabine


Un festival Debussy-Fauré est une fête de la musique en clair-obscur, une célébration de la mélodie française et de ses saveurs sonores. Ici, pas d’envolées lyriques incontrôlées ni d’incantations furieuses, mais la mesure des choses musicales – ce qui n’exclut pas la passion – et le respect de la langue – ce qui n’interdit pas la vigueur.

D’autant que choisir Fauré comme compagnon de festival de Debussy – on a plus souvent l’habitude d’un duo avec Ravel – c’est envisager la modernité d’une oreille très subtile. Fauré et Debussy sont contemporains, on finirait par l’oublier : Claude est plus jeune mais Gabriel lui survivra quelques années. Ils ne s’appréciaient pas forcément beaucoup, partageaient peu d’élans – sinon parfois la même passion pour la même voix… Fauré serait comme un début d’incendie, le dernier des modernes du XIXe siècle, et Debussy le premier du suivant, un gué pour aller de pas en pas jusqu’à l’avant-garde. Les programmer ensemble, c’est aussi jouer avec les idées reçues. Nous faire entendre, dans le balancement des Barcarolles, comment Fauré annonce certaines musiques de demain, et combien Debussy, dans le miroitement de ses Préludes, doit à celles qui le précèdent.

Et s’il fallait monter en épingle quelques perles de ce festival, il y aurait le face à face entre les scènes du Pelléas et Mélisande de Debussy et le Requiem de Fauré. Entre un opéra inouï célébrant les conventions du genre – l’amant, la maîtresse, le mari trompé – sans le moindre air de bravoure, et une messe des morts qui est pour une fois repos de l’âme, sans les fanfares du jugement dernier.

Ou bien la création, respectueuse de l’esprit de la musique française et iconoclaste comme il convient, de l’œuvre d’Alexandros Markeas, compositeur d’origine grecque grand connaisseur des musiques populaires, des sortilèges sonores, et de la façon toujours inédite de les mettre en valeur l’un l’autre.

Quant à la surprise du chef, c’est l’orchestration par le compositeur belge Luc Brewaeys des Préludes de Debussy. Comme une lanterne magique qui, l’espace d’une féérie, projetterait les couleurs d’un piano jamais vraiment en blanc et noir.

Une note de plus glissée ici, une autre qui manque là, un accord nouveau, un rythme parfois : de Fauré à Debussy, c’est à un bouleversement que nous sommes invités, technique, esthétique, sonore. À une révolution de l’imaginaire.


Plaquette de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, saison 2013–2014.