Archives de catégorie : Papiers

Farid Bentaïeb

Co-créateur du festival MarTO, le directeur du théâtre Jean-Arp de Clamart nous invite1 à passer la nuit avec des marionnettes…

 La marionnette est un art au royaume de la bricole. Imaginez un objet, immense ou minuscule, posé là, inerte, et puis à un moment donné le marionnettiste s’en empare, alors tout à coup quelque chose se met à vivre… C’est du théâtre extraordinairement émouvant : on a plus encore qu’ailleurs l’impression de voir la chose naître, de comprendre un petit peu mieux le miracle de la création.”

Silhouette impeccable du danseur, regard acéré et voix placée de l’acteur, Farid Bentaïeb confesse un goût pour le théâtre généreux : voilà un professionnel qui aime l’art et les gens ! Cela commence par la découverte des textes durant la scolarité, puis viennent les premières émotions de spectateur : Koltès-Chéreau aux Amandiers de Nanterre – « d’ailleurs la reprise dix ans plus tard de Dans la Solitude des champs de coton avec Pascal Greggory et Patrice Chéreau est le plus beau souvenir de spectacle de ma vie ! » – aussi bien que la représentation maladroite d’un Barbier de Séville vécue sous un préau de collège presque comme une expérience sensuelle. « Même si ce n’était pas terrible, il en reste quelque chose qui est du domaine de la transmission. »  Continuer la lecture de Farid Bentaïeb


  1. le 22 novembre 2014 

Points de vibration

Séquence III, fusain sur papier, 240 x 114 cm, 2013
Séquence III, fusain sur papier, 240 x 114 cm, 2013

Voici un voyage gratuit qui mérite comme on dit le détour1. Car pour une fois, parler de l’univers du peintre Marie Lepetit n’est pas une facilité de langage : l’œuvre de cette artiste patiente, discrète et rayonnante, évoque assez le domaine des galaxies, des nébuleuses et de la matière noire. À moins que ce ne soit, de l’autre côté de l’abîme, celui des atomes, des ondes et des particules… Un univers micro ou macro-artistique dont elle explore et développe la carte et le territoire avec les plus simples des outils, à la manière un peu des architectes-bâtisseurs de jadis : des équerres et des gommes, des craies et des crayons, des lignes et des points. Le long de lignes éphémères et apparemment aléatoires tracées sur la surface, elle repère des intersections qu’elle marque à la mine de plomb, à la peinture ou au poinçon. Une fois les lignes effacées ou presque, se constituent ainsi, à mesure d’une certaine agglutination du regard, des zones denses et des espaces de vertige, du poids et des déséquilibres, des mouvements figés et des échappatoires pour l’imagination.

Marie Lepetit est artiste, elle n’illustre ni la relativité générale ni la mécanique quantique ; mais en nous livrant les espaces infinis de son univers intérieur, elle a vite fait de nous basculer vers d’autres dimensions picturales, voire de nous envoyer dans les supercordes…


Paru dans HDS.mag n° 38, novembre-décembre 2014.


  1. Centre culturel Max-Juclier de Villeneuve-la-Garenne jusqu’au 23 novembre 2014 

France-Chine 50

Dans le cadre des manifestations culturelles célébrant les cinquante ans des relations diplomatiques entre la France et la Chine, le Cube1 présente le travail d’une artiste symbolique de la nouvelle modernité chinoise : Yi Zhou.

Unexpected Hero
Unexpected Hero

Née en 1978 à Shanghai, ayant vécu à Rome enfant, diplômée en sciences politiques et économiques à Londres et Paris, Yi Zhou a choisi la voie artistique sans renoncer à sa culture économique. Artiste multimédia, notamment virtuose de l’animation 3D, elle profite de l’ubiquité offerte par notre époque pour naviguer entre ses studios américains, européens et chinois. Familière des expositions d’art contemporain, elle est aussi directrice artistique pour des marques de couture et de joaillerie occidentales, ainsi que conseillère pour le YouTube et le Twitter chinois.

Dans son univers d’artiste multimédia, les frontières sont mouvantes. Il y a des ponts entre l’Occident et l’Orient, le luxe et le beau se servent l’un l’autre, les musiciens et les stars gravitent comme des électrons libres autour de son imaginaire : Air, Pharrel William, Charlotte Gainsbourg, Ennio Morricone ou Diane von Fürstenberg… Rompant définitivement avec la vieille image de l’artiste maudit, Yi Zhou – et au delà de toute question de style – pourrait évoquer une sorte d’Andy Warhol mondialisée, qui ne ferait aucune différence entre création et produit, réunissant autour d’elle un cercle de fidèles – galeristes pointus, membres de la jet set, intellos branchés et patrons cotés en bourse. Cette exposition est donc l’occasion d’ouvrir ce cercle à tous – ce qui constitue en soi un acte parfaitement « warholien ».


Paru dans HDS.mag n° 37, septembre-octobre 2014.


  1. Centre de création numérique, Issy-les-Moulineaux, du 27 septembre 2014 au 10 janvier 2015 

De grès et de chair

WvZ0253 - S
WvZ0253 — S, grès émaillé.

Sèvres – Cité de la céramique, entité réunissant depuis 2010 la manufacture et le musée, accomplit la prouesse rare de fondre la plus ancienne des pratiques avec la plus pointue des modernités. Parce que l’histoire de la céramique, dans les salles du musée ou dans les fours de la manufacture, est une histoire qui se raconte jour après jour, avec le soutien des grandes galeries d’art et l’engagement des artistes contemporains qui viennent ici bénéficier d’un savoir-faire incomparable.

Aujourd’hui1, l’honneur de faire cette histoire revient à Elmar Trenkwalder, plasticien autrichien en résidence à la Cité depuis 2012. L’artiste dissimule derrière une apparence volontiers austère des mondes intérieurs proliférants. Ses œuvres évoquent au premier regard les lignes de l’architecture : temples asiatiques, piliers de cathédrale, stalles baroques. Et puis l’œil s’en vient fouiller le détail des ornements. Leurs formes sont comme en fusion, glacées d’émaux aux couleurs impossibles ; elles mêlent corps, chairs, sexes masculins et féminins jusqu’au vertige et à la perte de soi. Immémoriale, son inspiration pullulante est également bien de notre époque, un peu comme le serait la rencontre dans une manufacture de céramique des bas-reliefs d’Angkor et de la créature d’Alien. De quoi laisser libre cours à la virtuosité des ateliers de production et du laboratoire des émaux de la manufacture.


Paru dans HDS.mag n° 37, septembre-octobre 2014.


  1. Sèvres – Cité de la céramique, jusqu’au 27 octobre 2014 

Nocturne cosmique

Angelika MarkulPar la grâce d’Angelika Markul, la Maison des arts de Malakoff nous fait vivre, De la terre jusqu’au ciel, une expérience écologique au sens fort1.

Il fait nuit. En bas, une carte aux reliefs vaguement inquiétants nous invite à un voyage intérieur. En haut, la vidéo d’un ciel traversé d’étoiles et de corps célestes en mouvement. Entre les deux, une ligne de montagnes, comme un horizon impossible.

Sculpture, installation ou vidéo, chaque œuvre d’Angelika Markul n’est ni tout à fait la même ni tout à fait une autre : la nature est blessée mais se régénère, l’homme laisse des traces qui s’effacent, on ressent physiquement notre fragilité et l’immensité des forces qui nous environnent. Ici, nous sommes à la fois minuscules dans l’univers et soudain plus vivants devant une œuvre d’art qui, à défaut de nous rendre plus sages, pourrait peut-être questionner notre arrogance.


Paru dans HDS.mag n° 37, septembre-octobre 2014.


  1. Maison des arts de Malakoff, du 20 septembre au 16 novembre 2014