Archives de catégorie : Musiques

Festival Debussy-Fauré

© CATHERINE KOHLER


Orchestre symphonique de Mulhouse, Chœur des écoles de Mulhouse et des collèges du Haut-Rhin, Les Solistes de Lyon, Ingrid Perruche, Julie Perruche, Kevin Greenlaw, Jean-François Lapointe, Cédric Tiberghien, Bernard Lemmens : Festival Debussy-Fauré, + œuvres de Markeas, Chopin, Scriabine


Un festival Debussy-Fauré est une fête de la musique en clair-obscur, une célébration de la mélodie française et de ses saveurs sonores. Ici, pas d’envolées lyriques incontrôlées ni d’incantations furieuses, mais la mesure des choses musicales – ce qui n’exclut pas la passion – et le respect de la langue – ce qui n’interdit pas la vigueur.

D’autant que choisir Fauré comme compagnon de festival de Debussy – on a plus souvent l’habitude d’un duo avec Ravel – c’est envisager la modernité d’une oreille très subtile. Fauré et Debussy sont contemporains, on finirait par l’oublier : Claude est plus jeune mais Gabriel lui survivra quelques années. Ils ne s’appréciaient pas forcément beaucoup, partageaient peu d’élans – sinon parfois la même passion pour la même voix… Fauré serait comme un début d’incendie, le dernier des modernes du XIXe siècle, et Debussy le premier du suivant, un gué pour aller de pas en pas jusqu’à l’avant-garde. Les programmer ensemble, c’est aussi jouer avec les idées reçues. Nous faire entendre, dans le balancement des Barcarolles, comment Fauré annonce certaines musiques de demain, et combien Debussy, dans le miroitement de ses Préludes, doit à celles qui le précèdent.

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Requiems

© CATHERINE KOHLER


Orchestre symphonique de Mulhouse, Opéra studio de l’Opéra national du Rhin, Les Cris de Paris : György Ligeti, Lux aeternae, RamificationsRobert Schumann, Requiem für Mignon, NachtliedArvo Pärt, Silouans Song, Adam’s Lament.


Au début était le verbe, et sans doute peu après la musique… Requiem sans liturgie, prières universelles, trois compositeurs regardent la vie et la mort.

Pas de vocifération ni d’anathème chez Robert Schumann, mais une plainte très intérieure qui s’appuie sur la littérature, comme une nécessaire pudeur d’écorché vif.

Pas de croyance identifiée non plus chez György Ligeti : son recours au sacré est celui d’un siècle en recomposition, des horreurs des années passées aux bouleversements de celles à venir. Gravitation d’étoiles, matière noire et particules fragmentaires : cette moderne musique des sphères fait office de cantique quantique.

Avec Arvo Pärt, pas mal de révolutions sont passées, mais pas l’émotion. Immédiatement accessible, immédiatement bouleversante, la lamentation du premier homme est celle de tous ceux à suivre. Mêlant spiritualité médiévale, solennité orthodoxe et violence d’aujourd’hui, la musique d’Arvo Pärt est sans âge car elle les traverse tous.


Plaquette de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, saison 2013–2014.

 

Symphonique 5

© CATHERINE KOHLER


Orchestre symphonique de Mulhouse, direction Patrick Davin : Claude Debussy, Danse sacrée, Danse profaneÉdouard Lalo, Symphonie espagnoleJohannes Schöllhorn, Liu-Yi / WasserGeorges Bizet, Symphonie en ut majeur.


La Symphonie espagnole est une pièce tellement éclatante dans le catalogue des œuvres d’Édouard Lalo qu’elle a fini par faire de l’ombre au reste. Mais quel soleil dans ce concerto pour violon torero et orchestre d’aficionados ! Celle de Georges Bizet a connu, elle, un curieux destin : œuvre de première jeunesse – Bizet a 17 ans en 1855 ! – elle fut perdue et retrouvée avant d’être créée en 1935, chez nos voisins de Bâle. Ce n’est pas encore le Bizet de Carmen, mais, musique vivace, limpide et piquante, on y sent déjà le contrepoint des passions.

Claude Debussy et les Danses pour harpe et orchestre, destinées au conservatoire de Bruxelles, allument aussitôt des émotions rares pour une pièce de concours : leur virtuosité semble dissimulée derrière les voiles d’une danse posée comme un geste zen. Couleurs mordorées encore, saveurs exotiques toujours : Johannes Schöllhorn a trente ans quand il compose Liu-Yi – Wasser, œuvre inspirée par les vues de l’eau du peintre Ma Yuan. Du XIIIe siècle chinois au XXIe européen, c’est le même dialogue entre abstraction et réalisme.


Plaquette de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, saison 2013–2014.

Festival Beethoven

© CATHERINE KOHLER


Orchestre symphonique de Mulhouse, Quatuor Arditti, Claire Désert, Florent Boffard, Nelson Goerner, Tedi Papavrami, Marc Coppey, John Mark Ainsley : Festival Beethoven, œuvres de Beethoven et Boulez.


En grande formation et en petit comité, sur trois jours et une belle unité de style, voilà un festival Beethoven à taille humaine où l’on ne risque ni l’ennui ni la saturation.

Beethoven, trop souvent figé dans son masque mortuaire comme une statue de Commandeur, traîne une image trompeuse de vieux lion grincheux, lui qui en mourant épuisé à 56 ans n’aura jamais pris le temps de devenir vieux. L’essentiel du programme tiendra donc dans la décennie 1802–1812. Musique brillante, révolution en marche que rien n’arrête, front levé haut, c’est la période qu’on a appelée « héroïque » – parce que nous aimons à ranger les génies dans des boîtes, cela facilite notre consommation… Les principales compositions datent des années prodigieuses, entre 1804 et 1807. Ce n’est plus le jeune loup qui partait à Vienne avec des dents à décroisser la lune, pas encore le solitaire dans la tourmente hanté par l’avenir. Beethoven a trente-cinq ans, Mozart est mort, Haydn est vieux, le romantisme attendra encore un peu. Ici, on commence à bâtir pour l’éternité et, malgré les misères cruelles de la surdité, la musique souffle fort.

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Symphonique 3

© CATHERINE KOHLER


Orchestre symphonique de Mulhouse : Giacomo Puccini, Capriccio SinfonicoHenri Vieuxtemps, Concerto pour violon et orchestreLuciano Berio, Corale pour violon, deux cors et orchestre à cordes – Felix Mendelssohn, Symphonie italienne.


La virtuosité a des accents de Méditerranée : ce sont des paillettes de soleil sur une mer profonde comme la nuit.

Elle fait vibrer l’harmonie du Capriccio sinfonico de Puccini, œuvre de jeunesse dont l’étonnante densité aura d’ailleurs sa descendance dans les œuvres à venir du compositeur. Elle renouvelle notre écoute du violoniste belge Henri Vieuxtemps, légende méconnue souffrant du syndrome Paganini : trop brillant pour être honnête compositeur… Avec une musique pareille, il serait temps que les portes du purgatoire le libèrent enfin ! Elle fusionne les solistes et l’orchestre du Corale de Luciano Berio, sorte de concerto pour violon qui s’avancerait masqué derrière la modernité la plus radicale, Bach et des danses populaires.

Et l’on finirait en plein soleil de Rome avec la Symphonie italienne de Mendelssohn, sur un éclat du saltarello final, épuisé et heureux.


Plaquette de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, saison 2013–2014.