Si tant est qu’on veuille en savoir encore plus

Écrire

Écrire, c’est lire. Beaucoup, tout le temps, impossible sinon d’écrire comme il se doit. Lire les autres, pour enrichir sa pratique, savoir modifier une habitude et parfois trouver des raisons d’être fier. Lire le dossier de presse obligeamment fourni qu’on se refusera toujours à copier-coller tel quel. Lire la multitude d’informations dispersées sur la multitude de supports disponibles. Lire, lire et recouper.

Écrire, c’est écouter, regarder. Celui qu’on interviewe et qui a forcément des choses à dire, même s’il faut le pousser ou le séduire pour entendre mieux que le discours convenu. Celui qui nous explique son métier, son talent, sa mission. Écouter pour goûter le sel d’une parole afin d’ensuite savoir la retranscrire avec les formes mais sans la trahir – c’est-à-dire l’écrire et pas la déverser brute de dictaphone.

Écrire, c’est voir, entendre. Entendre ce qu’il y a de formellement complexe dans l’architecture d’un lycée, ce qu’il y a de techniquement complexe dans le métier de restaurateur d’art, ce qu’il y a d’intellectuellement complexe dans une mission scientifique. Complexe ne signifie pas toujours compliqué, et ne doit surtout jamais paraître compliqué : écrire, c’est d’abord comprendre, autant dire une leçon de modestie perpétuellement renouvelée.

Écrire, c’est sentir, ressentir. Ce n’est rien d’autre que donner quelque chose au lecteur. Donner l’information pratique dont il a besoin, donner des clés de compréhension du quotidien, donner du sens à ce qui n’en aura pas tant que ce n’est pas expliqué. C’est un peu apprivoiser le monde moment après moment, le rendre intelligible morceau par morceau. Écrire, c’est la victoire de la curiosité, qui est le plus beau défaut qui soit.

Écrire est mon premier métier. J’en ai appris les rudiments sur le banc des écoles, je l’ai enrichi tout au long des évolutions de ce qu’on appelle un parcours professionnel – et qui n’est somme toute que la succession d’occasions et de rencontres, toujours passionnées, souvent passionnantes, qui en demeurent le privilège.

 Relire

Écrire pour être lu et compris est un beau métier d’artisan ; relire et corriger, un compagnonnage indissociable. Avec des outils universels et toute leur gamme d’affûtages qu’on ne solde pas au camion quincaille du coin. Or cela fait pas mal de temps que je m’use les doigts au rabot de la langue.

 Sur la panoplie, il y a l’orthographe, la grammaire, la syntaxe, parce que l’on partage une même langue et qu’il faut bien que tout le monde comprenne la même chose. La typographie également, aux règles délicates en usage à l’Imprimerie nationale, pour reprendre le sous-titre de l’ouvrage de référence. C’est à mesure du temps passé à relire, corriger, harmoniser des textes – la casquette de correcteur-réviseur vissée sur la tête – que le goût de la chose m’est venu. Toujours délicat, complexe, prompt à s’évaporer sitôt qu’on croyait l’avoir cerné une fois pour toutes. Quand ça vous tombe dessus, on n’y peut rien, on se laisse enjôler par l’accord des verbes pronominaux réfléchis, on milite pour l’usage restreint de la majuscule, on n’ose à peine avouer ses amours incompréhensibles pour l’espace insécable et le tiret demi-cadratin.