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Symphonique 5

© CATHERINE KOHLER


Orchestre symphonique de Mulhouse, direction Patrick Davin : Claude Debussy, Danse sacrée, Danse profaneÉdouard Lalo, Symphonie espagnoleJohannes Schöllhorn, Liu-Yi / WasserGeorges Bizet, Symphonie en ut majeur.


La Symphonie espagnole est une pièce tellement éclatante dans le catalogue des œuvres d’Édouard Lalo qu’elle a fini par faire de l’ombre au reste. Mais quel soleil dans ce concerto pour violon torero et orchestre d’aficionados ! Celle de Georges Bizet a connu, elle, un curieux destin : œuvre de première jeunesse – Bizet a 17 ans en 1855 ! – elle fut perdue et retrouvée avant d’être créée en 1935, chez nos voisins de Bâle. Ce n’est pas encore le Bizet de Carmen, mais, musique vivace, limpide et piquante, on y sent déjà le contrepoint des passions.

Claude Debussy et les Danses pour harpe et orchestre, destinées au conservatoire de Bruxelles, allument aussitôt des émotions rares pour une pièce de concours : leur virtuosité semble dissimulée derrière les voiles d’une danse posée comme un geste zen. Couleurs mordorées encore, saveurs exotiques toujours : Johannes Schöllhorn a trente ans quand il compose Liu-Yi – Wasser, œuvre inspirée par les vues de l’eau du peintre Ma Yuan. Du XIIIe siècle chinois au XXIe européen, c’est le même dialogue entre abstraction et réalisme.


Plaquette de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, saison 2013–2014.

Festival Beethoven

© CATHERINE KOHLER


Orchestre symphonique de Mulhouse, Quatuor Arditti, Claire Désert, Florent Boffard, Nelson Goerner, Tedi Papavrami, Marc Coppey, John Mark Ainsley : Festival Beethoven, œuvres de Beethoven et Boulez.


En grande formation et en petit comité, sur trois jours et une belle unité de style, voilà un festival Beethoven à taille humaine où l’on ne risque ni l’ennui ni la saturation.

Beethoven, trop souvent figé dans son masque mortuaire comme une statue de Commandeur, traîne une image trompeuse de vieux lion grincheux, lui qui en mourant épuisé à 56 ans n’aura jamais pris le temps de devenir vieux. L’essentiel du programme tiendra donc dans la décennie 1802–1812. Musique brillante, révolution en marche que rien n’arrête, front levé haut, c’est la période qu’on a appelée « héroïque » – parce que nous aimons à ranger les génies dans des boîtes, cela facilite notre consommation… Les principales compositions datent des années prodigieuses, entre 1804 et 1807. Ce n’est plus le jeune loup qui partait à Vienne avec des dents à décroisser la lune, pas encore le solitaire dans la tourmente hanté par l’avenir. Beethoven a trente-cinq ans, Mozart est mort, Haydn est vieux, le romantisme attendra encore un peu. Ici, on commence à bâtir pour l’éternité et, malgré les misères cruelles de la surdité, la musique souffle fort.

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Symphonique 3

© CATHERINE KOHLER


Orchestre symphonique de Mulhouse : Giacomo Puccini, Capriccio SinfonicoHenri Vieuxtemps, Concerto pour violon et orchestreLuciano Berio, Corale pour violon, deux cors et orchestre à cordes – Felix Mendelssohn, Symphonie italienne.


La virtuosité a des accents de Méditerranée : ce sont des paillettes de soleil sur une mer profonde comme la nuit.

Elle fait vibrer l’harmonie du Capriccio sinfonico de Puccini, œuvre de jeunesse dont l’étonnante densité aura d’ailleurs sa descendance dans les œuvres à venir du compositeur. Elle renouvelle notre écoute du violoniste belge Henri Vieuxtemps, légende méconnue souffrant du syndrome Paganini : trop brillant pour être honnête compositeur… Avec une musique pareille, il serait temps que les portes du purgatoire le libèrent enfin ! Elle fusionne les solistes et l’orchestre du Corale de Luciano Berio, sorte de concerto pour violon qui s’avancerait masqué derrière la modernité la plus radicale, Bach et des danses populaires.

Et l’on finirait en plein soleil de Rome avec la Symphonie italienne de Mendelssohn, sur un éclat du saltarello final, épuisé et heureux.


Plaquette de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, saison 2013–2014.

Symphonique 2

© CATHERINE KOHLER


Orchestre symphonique de Mulhouse, direction Patrick Davin : César Franck, Le Chasseur mauditPhilippe Boesmans, Concerto pour violon et orchestreEugène Ysaÿe, Poème élégiaque pour violon et orchestre à cordesPaul Dukas, L’Apprenti sorcier.


Le conte teinté de fantastique serait-il, comme le sirop de Liège, une spécialité belge ? À goûter avec trois des compositeurs au programme.

Le Chasseur maudit de César Franck, célèbre Français néanmoins natif de Liège, entraîne au milieu des démons un chasseur qui aurait mieux fait de ne pas…

Ce sont ensuite des échanges à travers le temps entre deux compositeurs formés au même conservatoire de Liège, des correspondances autour d’un même instrument, le violon, une confrontation de langages d’une fin de siècle à l’autre : le Poème élégiaque d’Eugène Ysaÿe (vers 1895), lui-même violoniste et dédicataire de ce qui se faisait de mieux à l’époque en la matière, et le Concerto pour violon de Philippe Boesmans (1980), impressionnant d’émotions contrastées.

Quant au très – trop – célèbre Apprenti sorcier du français Paul Dukas, il n’est rien besoin d’en dire – sinon que son orchestre brillant et virtuose a beaucoup à gagner de sa séparation d’avec les images de Disney !


Plaquette de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, saison 2013–2014.

 

 

Symphonique 1

© CATHERINE KOHLER


Orchestre symphonique de Mulhouse, direction Patrick Davin : Robert Schumann, Manfred ouverture, Concerto pour piano et orchestre – Felix Mendelssohn, Symphonie écossaise – Wolfgang Rihm, Spur.


Plutôt rose pourpre que fleur bleue, le romantisme a peu à voir avec la mièvrerie rougissante dont le mot a fini par être accablé. Concentré de passion, d’amour déchiré et de mort qui rôde, c’est un paysage de l’âme qui va de la nuit à la lumière, et retour.

L’ouverture de Manfred, de Schumann d’après Byron, court à l’abîme entre les textures d’ombre et les éclairs. Le drame littéraire romantique par excellence, exalté par le lyrisme de Schumann. Sur le versant lumineux, on entend la même passion dans Le Chant de l’aube, et dans ce Concerto pour piano, chef‑d’œuvre ni flambeur, ni austère, dont les thèmes nés à l’orchestre vous font bien augurer du jour à venir.

Pour sa Symphonie écossaise, l’ami Felix Mendelssohn, lui, traverse le continent et la mer avec les mêmes bagages, plein ouest vers les landes et les pierres, les atmosphères hantées et les orages qui claquent.

Quand soudain, au beau milieu de ce voyage d’ombre et de lumière, tonne Spur, la pièce pour orchestre de Wolfgang Rihm : une façon sans doute de faire sonner le même tonnerre un siècle et demi plus tard.


Plaquette de l’Orchestre symphonique de Mulhouse, saison 2013–2014.