Niché à Sèvres au cœur du parc de Saint-Cloud, le pavillon de Breteuil est le siège du Bureau international des poids et mesures (BIPM). Un site exceptionnel où l’on assure la cohérence internationale des unités de mesure.
Les missions du BIPM, créé par la Convention du Mètre signée à Paris en 1875, sont de conserver, d’améliorer, de diffuser et de coordonner le système international d’unités (SI). C’est-à-dire de travailler sur les définitions théoriques des unités de mesure et sur leurs représentations matérielles, ces étalons que le BIPM dissémine à travers le monde pour s’assurer que, partout, les mètres mesurent un mètre et les grammes pèsent un millième de kilogramme ! Dix-sept États signataires à l’origine, cinquante-cinq États membres aujourd’hui, une conférence générale qui se réunit tous les quatre ans environ : les enjeux autour des unités sont inimaginables pour le néophyte. Raison de plus pour aller y voir de plus près.
La longueur du mètre
Mètre étalon et pavillon de Breteuil : ces expressions font partie du langage courant. Elles circulent des plus sérieuses publications aux plus joyeux chefs‑d’œuvre de la culture populaire – en témoigne la formule signée Michel Audiard dans Le Cave se rebiffe : « Si la connerie se mesurait, il servirait de mètre étalon, il serait à Sèvres ! » On en finirait presque par oublier que ce mètre étalon existe bien, qu’il a une histoire et qu’il vit à Sèvres, chez nous… Enfin, pas vraiment chez nous, puisque ce petit morceau de terre historique arraché au parc de Saint-Cloud est une enclave internationale depuis plus d’un siècle. Une douzaine de nationalités, soixante-dix personnes et au beau milieu, un bijou historique : le pavillon de Breteuil, dernier vestige de ce qui fut le château de Saint-Cloud, désormais environné de bâtiments plus récents mais construits dans le goût de.
C’est ici que l’on conserve le mètre étalon, sorte de règle métallique dont la section en forme d’X minimise les risques de déformation. Une règle un peu plus longue que le mètre d’ailleurs : ce sont deux traits gravés dans la gorge du X qui établissent la fameuse distance. « Le premier mètre étalon fut réalisé en 1799, précise Richard Davis, ancien directeur du département des Masses et désormais consultant, en même temps que le kilogramme étalon, et déposé aux Archives de France. Le prototype international conservé au BIPM en est une “copie” dans un alliage de platine et d’iridium, réalisée en 1889. » Voilà pour ce qu’on appelle la réalisation, mais qu’en est-il de la définition du mètre ? Eh bien, curieusement, elle a beaucoup changé, tandis que la grandeur, elle, ne bougeait pas. On s’explique. Lorsque l’Académie des Sciences définit le mètre en 1791, c’est la longueur « de la dix millionième partie du quart d’un méridien terrestre ». Or, si la Terre est bien ronde, elle l’était plus au XVIIIe qu’au XXe – question de connaissances scientifiques toujours en évolution. Ainsi, la Conférence générale des poids et mesures change-t-elle la définition du mètre en 1960, la ramenant à un multiple de longueur d’onde, puis une nouvelle fois en 1983, adoptant la définition officielle en cours aujourd’hui : la distance parcourue par la lumière dans le vide en un 299 792 458e de seconde. Tout cela sans que la longueur du fameux mètre ne soit évidemment modifiée : « C’est le principe et tout l’intérêt, rappelle Richard Davis : changer la définition pour que justement rien ne change ! » Et c’est ainsi que le monde scientifique peut évoluer vers plus de précision sans tout remettre en question.