Écouter la peinture
Georges Dilly, le conservateur du musée Opale Sud – encore une maison des marées – entend « les notes de Debussy et de Ravel » dans les peintures qu’il accueille aujourd’hui. Ce doit être le tropisme maritime : le premier achevait la composition de La Mer sur la côte juste en face, et le second s’est essayé à l’aventure transatlantique. Or Debussy et Ravel, ce n’est pas rien pour une peintre habitée de musique. Alors si, justement, à l’écoute de ses Marées du temps, on poussait les correspondances un peu plus loin ?
Vers les Solos pour orchestre de Dusapin ? Au nom de certaines parentés d’écriture, le vocabulaire concentré, l’économie de syntaxe, l’éclat de la phrase. Ça, ce serait la belle aventure contemporaine, ce qu’il faut de novation, sans table rase ni manifeste, et ce qu’il se doit d’union libre avec l’histoire !
Ou bien prendre le large avec Sibelius ? Lui, dans sa Finlande de lacs et de bois, c’était les cygnes et les bernaches ; ici, on serait plutôt dans le sillage des oiseaux de mer, mouettes blanches et cormorans noirs. Pas forcément sa Quatrième symphonie, dont la noirceur caverneuse n’irait pas bien à la côte d’Opale. Disons la Septième, pour la modernité qui n’en fait pas trop, d’un seul mouvement, d’une éclaboussure.
Encore que la noirceur ne soit pas une grossièreté, il faut bien de temps en temps se colleter avec… Une peinture d’eau, de vent et de lumière n’est pas une mignardise. Regardons la laisse de pigment amassé contre quoi la vague déroule du blanc, la pesanteur de nuages noyant l’horizon, les flaques d’encre qui sentent fort quand le soleil les chauffe. Regardons ces peintures comme on devrait regarder les paysages pour ce qu’ils sont, multiples, complexes. Du gris sale aux bleus opalescents, sans a priori ni états d’âme, avant que les nôtres y vaguent et divaguent et les colorent.