La construction des collèges est une des compétences essentielles d’un conseil général. Un domaine aux enjeux multiples dont on ne mesure pas toujours la complexité. Toutes les réponses ou presque à la question : comment construit-on un collège ?
Le collège a beaucoup changé… Pas seulement l’institution et ses programmes, mais le bâtiment lui-même. Beaucoup de parents se souviennent du lieu de leurs chères études, à cet âge adolescent où l’énergie est une façon de vivre et la liberté un mode d’emploi des limites… Cour centrale, galeries d’étage aux rambardes de fer, alignements infinis de portes closes : la nostalgie n’est pas forcément au rendez-vous… Le modèle architectural des autres siècles a vécu, même s’il a compté des joyaux qu’on aime encore visiter à l’occasion des journées du patrimoine. Partout aujourd’hui, le collège est à la fois un morceau d’architecture et une pièce d’urbanisme, un instrument éducatif et un lieu à vivre. Dans un département, il est aussi un élément essentiel de la culture : une écriture publique, un geste politique majeur.
Une décision politique
« La décision de faire est avant tout politique, déclare en préambule Dominic Drain, chargé d’opérations au service des bâtiments scolaires du conseil général des Hauts-de-Seine, lui-même architecte. Il peut s’agir d’une rénovation, d’une reconstruction partielle, d’une construction complète ; il faut définir les besoins : cinq cents, six cents, sept cents élèves, en tenant compte des projets d’avenir de la commune ; savoir si le gymnase sera autonome ou partagé avec les associations de la ville, si le programme comprend un CIO (centre d’information et d’orientation), des classes SEGPA (section d’enseignement général et professionnel adapté) ou ERS (établissement de réinsertion scolaire), un internat d’excellence etc. Tout ceci influant sur le budget. Nous sommes des conseillers techniques, nous soumettons des éléments de réflexion : la décision appartient, elle, au conseil général. »
Ce « nous » est avant tout une équipe, celle placée sous l’autorité de ce qu’on appelle dans le jargon de la construction la maîtrise d’ouvrage – c’est-à-dire le donneur d’ordre commanditaire des travaux, en l’occurrence le conseil général. Vu les enjeux, mieux vaut s’entourer des meilleures compétences. Et cette exigence de compétence et de collégialité est exactement la même du côté de la maîtrise d’œuvre, c’est à dire cette fois de l’architecte et de ses partenaires chargés de la conception et de la conduite opérationnelle des travaux. Ce qui rend pour une fois caduque la fameuse boutade selon laquelle un chameau est un cheval dessiné par un comité…
Big bang
Instant zéro indispensable au déclenchement de l’opération, le concours de désignation du maître d’œuvre est une procédure très encadrée. Qui se déroule en deux parties devant un jury d’élus, d’architectes et de spécialistes des questions en jeu. Un « premier tour » sélectionne les meilleurs candidats parmi la cinquantaine de dossiers, jugés selon leurs références dans le domaine concerné et leur maîtrise des critères qui tiennent particulièrement à cœur à la maîtrise d’ouvrage, comme celui de l’environnement. À l’issue de cette première phase, cinq candidats en général demeurent, qui vont préparer une « esquisse » pour le projet proprement dit. Le choix souvent est aussi celui de la diversité, de l’enrichissement par la confrontation. « Il est toujours intéressant que concourent ensemble différentes écritures, différentes générations, précise-t-on au CAUE 92 (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement des Hauts-de-Seine) dont les architectes membres font souvent partie des jurys. Avec l’idée de se retrouver devant des projets vraiment différents, qui puissent servir de forces motrices au projet. » Sans oublier deux points cruciaux sur lesquels la maîtrise d’ouvrage insiste à chaque projet : la pérennité des matériaux, leur solidité et leur facilité d’entretien ; et la facilité de surveillance. Parce qu’il ne faut pas le cacher : le petit peuple adolescent des collèges ne se comporte pas exactement comme un aréopage d’académiciens rassis…
Les esquisses des candidats retenus sont analysées par une commission technique placée sous l’autorité de la maîtrise d’ouvrage. « Attention, précise Dominic Drain, l’analyse de la commission technique est un document froid, sans jugement ni classement. Elle décrit les grandes lignes de chaque projet et vérifie la conformité au programme. La présentation des projets au jury de sélection est elle aussi très réglementée. Pièces écrites, plans, perspectives, chaque agence soumet le même nombre de documents. Et tout ceci de manière anonyme. » A, B, C… chaque projet n’est qu’une lettre derrière laquelle s’effacent à la fois les attentes, les présupposés et les réputations. Et bien évidemment les soupçons de favoritisme ! « En plus, s’amuse-t-on au CAUE, on a beau connaître les écritures architecturales de certains des architectes, on se trompe à chaque fois ! La décision se fait vraiment sur un projet, et pas sur un nom. »