Dans le spectacle vivant, il y a des moments où le spectateur sent que quelque chose bascule, quelque chose de radicalement nouveau qui s’inventerait, là, sous ses yeux. Ces moments ne sont pas si nombreux et l’irruption dans le paysage de la compagnie AM/CB – Adrien Mondot et Claire Bardainne – en fait partie. Lui vient des arts du cirque, à la fois jongleur et informaticien ; elle est plasticienne et scénographe ; à eux deux, ils inventent de projet en projet un art étrange qui est bien d’aujourd’hui, où se mêlent l’impalpable des images et figures numériques et la réalité du mouvement des corps. Chez eux, on danse avec des écharpes de l’étoffe des rêves, on surfe sur des océans d’ondes, on sème des alphabets virevoltants comme d’autres des paillettes. Ce qui aurait pu apparaître comme simple prouesse technologique s’installe, grâce à l’imaginaire des deux artistes et à leur désir de ne jamais noyer le réel sous le virtuel. Alors que leur récente collaboration avec la compagnie Käfig de Mourad Merzouki, Pixel, est en tournée, on peut également voir ou revoir l’une des premières créations d’Adrien Mondot : Cinématique. Une partition chorégraphique pour un jongleur et une danseuse, où l’on nous invite à renouer avec notre part de rêve d’enfance et à bousculer les principes rationnels de nos existences modernes. Histoire d’aller voir un peu plus loin encore derrière l’horizon, il faut aller visiter l’exposition XYZT, les paysages abstraits, signée des mêmes créateurs1. Méfiez-vous, cette immersion rêveuse dans leur outremonde pourrait bien devenir addictive…
Paru dans HDS.mag n° 44, novembre-décembre 2015.
XYZT, les paysages abstraits, Palais de la Découverte jusqu’au 3 janvier 2016 ↩
Pour qui se demanderait ce qu’est un spectacle grand public, le Grand fracas issu de rien imaginé par Pierre Guillois
Elles sont sept filles aux patronymes en « nen » ou en « ra », descendues de leur Finlande, sans doute sur le dos du cygne de Tuonela et au son des cuivres de Sibelius, pour vivre leur passion. Tous les arts du cirque sont dans Mad in Finland, affûtés – trapèze, fil, équilibre, main à main – et détournés à grands coups de vodka, de sauna, de Nokia. Ces filles athlétiques jouent avec leur culture, ses codes et ses clichés, autrement dit ce qu’elles sont et l’idée que nous nous en faisons. Rien ne manque : le froid, le ski, la nature, les boissons fortes, les déprimes gaies, les chants caréliens et le heavy metal dingo, on se croirait dans un roman d’Arto Paasilinna ! Encore que leur référence soit plutôt Aleksis Kivi, maître de la littérature du