Rokia Traoré : l’invention de la plénitude

Rokia Traoré © RICHARD DUMAS 

Apparemment, le Magic Mirror de La Défense convient à Rokia Traoré et ses musiciens : trois heures de concert débridé ce mardi soir, pour l’un des temps très forts du festival Chorus 2009.

La fête commençait avec Davy Sicard, une belle surprise pour beaucoup, chantant un maloya réunionnais « un peu cabossé », une musique qui relève la tête et dit la fierté du « cœur marron » qui choisit la liberté. Et recevant l’hommage, plutôt rare pour une première partie, d’un rappel enthousiaste avant la folie à suivre.

Parce que Rokia Traoré sur scène, c’est une invention permanente, une joie communicative, une force incroyable. Où cette brindille de femme parvient-elle à trouver les ressources nécessaires pour faire des heures durant vibrer les corps et tomber les frontières entre les musiques. Commencé dans les couleurs nocturnes et le souffle des deux invités exceptionnels de la soirée, le guitariste Sébastien Martel et le vocaliste Sly Johnson, le feu prend très vite dans un public particulièrement combustible. La chair de poule s’installe quand la lumière change, que la vague se soulève soudain et qu’elle nous emporte. Rokia se lance dans ses longues mélopées scandées en bambara, et l’on pense au flow du rap, aux envolées de Nusrat Fateh Ali Khan, aux déclamations de Patti Smith : s’invente devant nous quelque chose d’inouï, musique africaine, world, blues, rock… Les musiciens jouent entre eux et avec nous, il y a du sourire partout. Rokia charmeuse, Rokia radieuse, Rokia ambassadrice d’une culture, chante, danse, crie comme on ne l’a jamais entendue, incroyablement relâchée, sa voix osant toutes les textures. Jusqu’au final ébouriffant, quand le public partage la fête jusqu’à monter sur scène et danser, quand le son devient physiquement palpable, quand personne ne veut plus partir… Il y avait ce soir-là au village du festival un miroir magique où battait le cœur des Afriques, leur histoire, leurs beautés, leurs espoirs. Pour quelques heures suspendues, nous étions visiblement heureux d’être ensemble, elle, eux et nous, autour des mêmes émotions.


Site du festival Chorus 2009