En lumière sauvage, après

De cette … totalité en ruine… à en lumière sauvage, chacun choisira le chemin : histoire de beau couple de chair, ou symbole d’un effondrement intérieur qui s’ouvrirait sur un puits de lumière. Car c’est tout cela à la fois : une destruction avec des morceaux de pierre pour rebâtir, une affaire de bout du tunnel, de fond de l’eau et de jour qui se lève. C’est la conduite généreuse d’une introspection du corps jusqu’à la jouissance sonore – ou l’inverse et à rebours. Chacun ira y puiser son matériau intime, chacun y trouvera l’écho de ce qu’il connaît parce que c’est ainsi qu’elle s’est engagée, cette affaire, entre eux sur la scène et nous dans la salle, pour qu’on y croie, pour qu’on y vibre et qu’on la sente au dedans, avec les souvenirs à partager et les remords inavouables.

Cécile Guye, chorégraphe et Pierre-Adrien Charpy, compositeur
Cécile Guye, chorégraphe et Pierre-Adrien Charpy, compositeur

Il n’est pas nécessaire d’en savoir plus, il n’est pas interdit non plus d’écouter ce que le compositeur, en sous-main, a dissimulé dans ses partitions. La symbolique des citations musicales, les arcanes cryptés du grégorien. Révélation. Dans la matière sonore de … cette totalité en ruine…, il y a le Lamento d’Arianna de Claudio Monteverdi. Dans l’ombre secrète d’en lumière sauvage, la promesse du Jouyssance vous donneray de Claudin de Sermisy et la jubilation du Chant des oiseaux de Clément Janequin. Tramés dans les deux, des fils de grégorien : les répons de la Semaine sainte, du Golgotha à la résurrection. On écoute sans les entendre – il faudrait appartenir à une caste rare pour en percevoir la réalité sonore – mais qu’importe : il y a quelque chose qui passe à travers nous de cette longue parabole des ténèbres vers la lumière, quelque chose de très mystérieux qui touche aux archétypes. Et cela suffit pour se laisser emporter.

Post-scriptum. Terrasse de café, quelques semaines après. La lumière est vive, un danseur, une danseuse, une chorégraphe rêvent à voix haute de l’avenir du spectacle qu’ils ont porté – comme on porte ses fruits, comme on porte un enfant. Ce n’est sans doute pas pour rien que cette création est née ici, dans le Sud, au soleil. Malgré les corps qui se noient et les histoires qui tournent mal, en dépit des nuits qui n’en finissent pas et des avenirs qui se fracassent, le jour s’est levé, une fois encore, il glisse sur le velours d’une jeune plante en train d’éclore. Et là encore, ce n’est pas la peine d’en savoir plus.


Liens pour en savoir plus : sur le spectacle En lumière sauvage, sur le compositeur Pierre-Adrien Charpy, sur le HOP!trio, sur la compagnie Boutabou et sur la photographe Isabelle Françaix